On n'est pas là pour disparaître
D'après le roman d'Olivia Rosenthal
J’ai rêvé du texte d’Olivia Rosenthal pendant le deuxième confinement. J’en ai rêvé très clairement. Il s’est imposé à moi comme une évidence. J’ai vu Yuming Hey sur le plateau. Je l’ai entendu dire ce texte et j’ai eu l’image très nette d’une scénographie avec un, deux ou trois écrans vidéo. Au réveil, j’ai ressenti un sentiment d’urgence. J’ai senti que j’avais besoin de créer ce spectacle et qu’il fallait le faire vite. Après ces longs mois passés à jongler avec les annulations et les reports, j’ai éprouvé plus que jamais la nécessité de revenir à la création.
Le lendemain, je suis tombé sur une création vidéo de l’artiste plasticienne Justine Emard et j’y ai vu comme un signe. Son univers m’a immédiatement parlé parce qu’il faisait écho aux images de mon rêve. Les silhouettes humanoïdes de sa création « Soul Shift » m’évoquent le face-à-face d’un patient et de son médecin, mais aussi ce processus de perte, d’effacement de l’humanité qui est au cœur du roman d’Olivia Rosenthal.
Je travaillais à ce moment-là sur Une absence de silence, une adaptation de Que font les rennes après Noël ?, et l’écriture d’Olivia, qui m’accompagnait quotidiennement, était comme un refuge. Le travail sur Que font les rennes après Noël ? était parti de la phrase de fin de On n’est pas là pour disparaître : « il l’efface / et il s’efface avec elle /d’être un homme /c’est trop compliqué ». Cette phrase, ainsi que le titre du roman, résonnent pour moi avec la place de la culture en ce moment. Dans ce contexte où le mot « culture » n’est même plus prononcé dans les annonces du gouvernement, ce titre nous parle très concrètement de la situation des artistes qui luttent depuis des mois pour ne pas être oubliés.
Je veux travailler sur les niveaux de langage, sur ces voix qui s’entrecroisent dans le texte d’Olivia. J’imagine un acteur, Yuming Hey, seul sur scène dans une atmosphère très blanche, très froide, presque médicale. J’aimerais faire entendre la dimension polyphonique de l’histoire de Monsieur T. en créant un dialogue entre l’acteur, la voix off et la vidéo. Le texte d’Olivia fait résonner des voix sans les identifier ou les nommer. Je veux garder cette indétermination qui fait écho à la perte d’identité. Le corps de l’acteur sera traversé par ces voix qui le dépassent et qui, chacune à leur manière, cherchent à endiguer l’effacement.
**Mathieu Touzé **
Crédits
Adaptation et mise en scène : Mathieu Touzé
Distribution : Yuming Hey
Avec la participation de Marina Hands de la Comédie-Française
Musique live : Rebecca Meyer
Texte : D'après On n’est pas là pour disparaître d’Olivia Rosenthal © Editions Gallimard
Lumière : Renaud Lagier et Loris Lallouette
Création vidéo : Justine Emard
Création musicale : Rebecca Meyer
Assistante de mise en scène : Hélène Thil
Durée : 1h15
Production : Théâtre 14, Théâtre de Sartrouville et des Yvelines-CDN, Collectif Rêve Concret
Projet soutenu par le ministère de la Culture – Direction régionale des affaires culturelles d'Île-de-France
Crédit photographique : Christophe Raynaud de Lage et © Justine Emard / Adagp, Paris 2021
Prochaines dates
Du 24 janvier au 18 février 2023 au Théâtre 14 (Paris).
16 et 17 mars 2023 au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines - CDN.
Du 26 au 28 mai 2023 au Festival Théâtre en mai (Dijon).
Du 7 au 26 juillet 2023 au Théâtre des Halles pour le festival Off d'Avignon. Tous les jours à 14h (salle Chapitre). Relâches les jeudis 13 et 20 juillet.
Presse
"Grosse claque que ce texte d'Olivia Rosenthal, adapté au théâtre par Mathieu Touzé et joué par le comédien Yuming Hey. Accompagné par l’excellente création musicale de Rebecca Meyer, qui enveloppe les mots ou, à l’inverse, les heurte de plein fouet, ce récit d’une tentative d’assassinat trompe son monde. En réalité, le geste du mari poignardant son épouse ouvre la porte à l’exploration méthodique de la maladie dont il souffre : Alzheimer. À partir de là, la fiction se démultiplie. Elle est historique, médicale, psychiatrique, humaine, amoureuse. Elle rend compte d’une déperdition radicale et tragique : celle d’un sujet pensant qui se dissout à vue. Le spectacle épouse cette fuite en avant. Le comédien, sans doute pour ne pas vaciller, garde ses deux pieds au sol, immobiles. Ce qui fait que les mots le traversent et qu’il lui faut les expulser."
Joëlle Gayot - Télérama
"Le co-directeur du Théâtre 14, Mathieu Touzé, adapte avec force et finesse la polyphonie littéraire d’Olivia Rosenthal. Bouleversante plongée dans l’esprit tourmenté d’un malade d’Alzheimer et dans le quotidien douloureux de ses proches, elle profite de la performance à la fois singulière et éclairante de Yuming Hey."
Vincent Bouquet - Sceneweb
"Adapté et mis en scène par Mathieu Touzé au Théâtre 14, le texte fulgurant d'Olivia Rosenthal sur la maladie d'Alzheimer est magnifié par le prodige Yuming Hey. Seul sur les planches, le jeune comédien porte toute la douleur de la condition humaine. Un moment de théâtre cathartique exceptionnel."
Philippe Chevilley - Les Echos
"L’acteur Yuming Hey incarne à lui seul les protagonistes de l’histoire : le personnage principal (avec ses moments de démence comme de sérénité), son épouse et les médecins qui les accompagnent. Sa prestation tient véritablement le public en haleine. Dans un décor épuré, couleur blanche immaculée de l’hôpital, les pensées du patient occupent toute la place. [...] La maladie d’Alzheimer effraie et éloigne. Pourtant pour mieux l’appréhender, il faut la comprendre, s’y confronter et s’y heurter. Cette pièce nous invite à nous y jeter à corps perdu, pour en sortir certes essoufflés mais éclairés."
Thérèse Thibon - La Croix